Centre Pensées – Centre Français de psychothérapie à Berlin
S’expatrier : une expérience du déracinement
« Nous sommes un jeudi matin et je prends le train pour Berlin. J’ai l’habitude de prendre des trains mais monter à bord de celui-là a un goût différent qu’il m’est impossible de définir sur l’instant. Sur le quai de la gare, je jette un coup d’œil sur ma valise, celle qui contient les dernières affaires d’un appartement désormais vide et qui bientôt accueillera entre ses quatre murs de nouveaux souvenirs, ceux d’un autre, d’un autre que moi. »
Bien que l’Europe partage une culture et un patrimoine communs, traverser les frontières des pays qui la composent, afin de s’y établir pour une durée plus ou moins longue et déterminée, vient bouleverser l’équilibre psychique. Les repères se voient bousculés et le sujet est ainsi confronté à de nombreuses différences culturelles (règles en société, rapport à l’intimité psychique et physique, distance entre soi et l’autre…) qu’il n’avait pas toujours anticipées.
S’expatrier est une expérience du déracinement. Quitter son pays, c’est bousculer ses repères pour partir à la rencontre de l’Autre. L’Autre avec un grand « A », c’est d’abord cet autre que soi au-delà des frontières, riche en différences culturelles, mais c’est aussi, parfois, une autre partie de soi que l’on cherche à rencontrer en quittant son pays d’origine. L’expatriation c’est donc cette expérience au-delà des frontières, un mouvement permanent, un ajustement, la recherche constante d’un équilibre entre son pays d’origine et son pays d’accueil.
Nous ne quittons pas tous notre pays de la même façon. Pour certains, partir c’est aller à la rencontre de l’autre, de soi, bousculer ses repères. Pour d’autres l’expatriation peut être vécue comme un sacrifice lorsque partir impose le renoncement à un statut social, à des activités ou des relations sociales structurantes dans la vie du sujet. Cela peut être le cas notamment lorsque l’on décide de suivre son partenaire dans son expatriation. Le temps de l’expatriation bouscule parfois la temporalité psychique et peut alors devenir synonyme de souffrance. En effet, quitter pour reconstruire, renoncer pour créer requiert de l’énergie, une énergie qui n’est pas toujours accessible. La difficulté à s’adapter peut alors entraîner de la culpabilité allant jusqu’à une forme d’isolement ou encore de ce que l’on nomme « burn-out culturel ». Un accompagnement psychologique peut permettre de briser cette solitude et de penser ensemble, dans un discours à deux, les difficultés de l’expatriation.